Le Devoir, vendredi le 23 novembre 2018
Remettre le livre au cœur des librairies
La SODEC a mis en place il y a quelques semaines son programme d'aide aux librairies, révisé. Une mise à jour demandée en 2015 par le Plan d'action sur le livre. Résultat ? Un resserrement notable sur la valorisation du livre, et sur celle du métier de libraire.
« Le livre est remis au cœur de tout », explique sans ambages la présidente et chef de la direction de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), Louise Lantagne. « Les valeurs qui ont guidé la révision sont le livre, les activités autour du livre, et la valorisation de la profession de libraire. Ainsi que le souci d'assurer une équité à travers toutes les régions du Québec. »
La tangente est notable. En promotion, ainsi, 60 % de la subvention sera octroyée pour la médiation, et seulement 40 % en promotion traditionnelle : un encouragement clair à l'organisation d'événements plutôt qu'à l'investissement en publicité, catalogues ou autres signets.
La proportion des ventes de livres dans l'ensemble des ventes est maintenant considérée. Autrement dit, on encourage leur vente plutôt que celle de papeterie ou de chinoiseries qui permettent de diversifier les revenus. Et, nouveauté, la SODEC subventionnera une partie des salaires en librairie.
Autre ajustement : l'aide à la disparité régionale se déploie différemment.Auparavant, on facilitait le transport des livres en versant entre 500 et 1400 $ pour les librairies à plus de 100 km de Montréal. Maintenant, un « coefficient de disparité régionale » augmentera de facto la subvention de promotion ou de développement technologique. Un autre encouragement au dynamisme.
« On prend en considération le fait que pour une librairie très éloignée, faire venir un auteur, par exemple, c'est plus difficile et ça coûte plus cher », illustre la directrice générale livre à la SODEC, Catherine Boucher. « On voulait revaloriser le rôle d'agent culturel que tient un libraire dans sa région.»
La vente de livres aux particuliers, par rapport à celle aux collectivités (bibliothèques), est aussi considérée. En clair, les libraires étant protégés par la loi 51 pour les ventes aux collectivités, on vise le développement de la clientèle au détail.
« On observe trois volets chaque fois, détaille Catherine Boucher. Les efforts faits pour la vente directe au particulier, le fait qu'il y a quand même des revenus et un certain travail pour faire des ventes aux collectivités, et l'apport régional. En appliquant ces trois critères ensemble, on croit qu'on arrive à un juste équilibre, qui prend en compte la diversité des modèles d'affaires, tellement variés, de chacune des librairies. »
« On assure l'équité régionale, renchérit Mme Lantagne, mais l'équité aussi entre toutes les librairies agréées, qu'elles fassent partie d'une chaîne ou pas.Libre à chacun ensuite de s'ajuster en fonction de ces critères ou non. »
L'ALQ avait réagi à l'octroi des subventions en 2016-2017 de concert avec la coopérative des Librairies indépendantes du Québec (LIQ) et Coopsco. « Nous avons l'impression que nos préoccupations ont été entendues, indique sa directrice générale, Katherine Fafard. La SODEC a décidé de valoriser le dynamisme des libraires. Le programme permettra de récompenser les librairies qui sont déjà très actives, et encouragera celles qui le sont moins à l'être davantage. À notre avis, ce nouveau traitement des demandes sera plus équitable pour l'ensemble des librairies admissibles au programme. » Jean-Benoît Dumais, directeur des LIQ, s'est dit aussi très satisfait. Les chaînes Renaud-Bray et Archambault n'ont pas voulu faire de commentaire.
À venir : le livre québécois
« La préoccupation va peut-être être plus à l'avenir autour du livre québécois », a avancé Catherine Boucher lorsqu'interrogée sur la question. « Il y a un objectif déjà lié à ça, mais dans les réflexions peut-être d'une seconde phase, autour de l'aide à l'édition et aux librairies… »
« On entend bien les éditeurs là-dessus, poursuit Louise Lantagne, ils nous en ont parlé, on est ouverts à l'idée de voir comment ça évolue, comment les libraires traitent le livre québécois. On n'empêchera jamais les libraires d'importer ni d'offrir une diversité à leur clientèle ; mais on est sensibles au fait que nous, la SODEC, on pourrait valoriser une visibilité donnée au livre québécois. C'est sûr. »
LES CHAÎNES ET LES PROJETS COLLECTIFS
L'an dernier, plusieurs acteurs des librairies indépendantes s'étaient insurgés devant les montants que la SODEC avait octroyés en 2016-2017 aux librairies du groupe Renaud-Bray et Archambault.Elles avaient bénéficié de 760 000 $ du volet d'aide aux librairies, comparativement à 572 000 $ pour les librairies indépendantes et à 237 000 $ pour les coopératives scolaires.Quelque 405 000 $ avaient aussi été versés pour des « projets collectifs » de Renaud-Bray Archambault, une définition du collectif remise en question puisque les librairies sont sous même bannière.L'aide aux projets collectifs n'ayant pas encore été révisée, la situation risque-t-elle de se reproduire ?« On n'a pas les mêmes budgets, indique Catherine Boucher.On est sensibles à ce qui a été dit à l'époque sur l'application de certains critères.»