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La santé de la librairie et du livre d’ici s’améliore

Le Devoir, 16 avril 2019

 

Une augmentation de 5,3 % des ventes de livres en français ? C’est ce qu’annonce le bilan Gaspard du marché du livre au Québec 2018.

« Après trois ans consécutifs de hausse, on peut vraiment parler d’une tendance », souligne Christian Reeves, directeur ventes et développement à la Société de gestion de la banque de titres de langue française (BTLF), qui gère les palmarès Gaspard détaillant chaque année les performances des librairies indépendantes. « Cette année, c’est la troisième à 5 % d’augmentation. C’est assez exceptionnel. »

Le signe d’une solidification du milieu du livre québécois ? Oui, répondent séparément différents joueurs du milieu. « Ça fait 15 % d’augmentation dans les ventes en librairie pour les trois dernières années ! », se réjouit M. Reeves. Des chiffres que n’atteignent ni la France (+ 0,6 %) ni les États-Unis (+1,7 %), selon la directrice générale de l’Association de libraires du Québec (ALQ), Katherine Fafard, données du Syndicat de la Librairie française et de l’American Booksellers Association à l’appui. Bref, la librairie et le livre d’ici vont mieux.

Beaucoup mieux. Ils sont poussés par les achats faits par les bibliothèques — dites « ventes aux collectivités ». Depuis 2014, celles-ci affichent une croissance annuelle moyenne de + 5,5 %, peut-on lire dans le Bilan. La catégorie jeunesse est la grande gagnante, effet de levier, de cette tangente. Elle regagne cette année la première place des ventes par catégorie, avec 24,4 % des ventes annuelles, contre 21,3 % pour la littérature. Le livre pratique conserve sa troisième place : 11,7 % du poids total des ventes.

Le tournant d’un 12 août
Qu’est-ce qui explique ce regain d’intérêt pour l’achat de livres, et pour l’édition québécoise — car celle-ci obtient de meilleures performances, depuis trois ans, que l’édition étrangère ? À la BTLF, Christian Reeves y voit des conséquences directes de l’initiative spontanée Le 12 août, j’achète un livre québécois, ainsi que du Plan d’action sur le livre lancé en 2015 par la ministre Hélène David.

« L’année 2014 a été la dernière à exposer un résultat de ventes négatif. À partir du premier 12 août, en 2014, il semble y avoir eu une redécouverte des librairies indépendantes », explique-t-il.

L’ALQ remarque de son côté qu’en 2013, « l’industrie du livre a fait beaucoup de démarches pour que le gouvernement soutienne le livre, la lecture et les librairies. Ce fut le cas avec la demande consensuelle pour le prix réglementé, que nous n’avons pas obtenu ».

Le Plan d’action a suivi, « qui a bonifié les budgets d’acquisition par les collectivités, augmenté les aides financières aux librairies agréées et mis en avant, dans une publicité, l’acte de lire, poursuit Katherine Fafard. Tout ça est bénéfique. Ajoutons le retour à l’achat local, éthique et responsable, qui favorise les librairies de quartier. »

Le réinvestissement du gouvernement de quelque 7 millions en 2018-2019 pour l’achat de livres jeunesse en classe a aussi aidé, ajoute la directrice.

Fait étonnant en 2018 : le livre scolaire fait un bond spectaculaire de 27,6 %. « Le début de ce mouvement semble dater de l’année 2016, où la catégorie avait […] fait un bond de +11,3 % sur 2015 », lit-on dans le Bilan. « La tendance s’était répétée l’an dernier, quoique de manière moins importante : +5,8 %. »

Selon la Loi, rappelle Christian Reeves, le livre scolaire peut être acheté directement chez les éditeurs. Cette hausse des ventes semble indiquer que les écoles, ou certaines d’entre elles, choisissent d’effectuer désormais leurs achats en librairie par sensibilité pour la santé de ce maillon de la chaîne du livre.

Autres données remarquables : la poésie fait cette année un beau petit saut de 50 %, passant de ventes de 346 159 $ à 517 753 $.

En outre, la parité est pratiquement atteinte aux palmarès. Depuis 2014, grosso modo, autant d’auteures que d’auteurs se partagent les rangs, indique M. Reeves.

Le Québec outre frontière
L’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) attribue de son côté ce bon vent au Plan d’action sur le livre « hormis les culs-de-sac de révision de la loi 51 », précise le directeur général Richard Prieur.

« Il n’y avait pas nécessairement grand-chose pour le livre québécois dans ce Plan, mais je crois que les discours ont porté leurs fruits. La ministre Marie Montpetit annonçait en novembre 2017 un investissement de 800 000 $ pour l’achat de livres imprimés, édités au Québec. Ça ne change pas le monde, mais ça envoie un signal plus fort pour l’acquisition d’ouvrages d’ici. Enfin, la couverture médiatique pour le livre d’ici contribue [à l’élan]. »

M. Prieur mentionne que « le livre canadien en français “performe” drôlement mieux à l’exportation que le livre canadien de langue anglaise». Il y a des raisons liées à la présence de gros joueurs mondiaux qui ravissent les auteurs canadians, mais aussi un dynamisme évident du côté francophone avec les ventes de droits, les fellowships d’éditeurs et de libraires, les invitations d’honneur faites au Québec (Bruxelles, Genève, Marché de la poésie à Paris, etc.).

Selon l’ANEL, les ventes de livres canadiens à l’exportation (droits et produits finis) n’ont pas cessé d’augmenter depuis 2014, passant de près de 105 millions à 129 millions en 2018. Si on totalise les cinq dernières années, les ventes de livres canadiens en français représentent 50,5 % des exportations canadiennes en livres. »

De bonnes nouvelles ? Certes. Mais si les librairies indépendantes vont mieux, beaucoup mieux en général, le nombre de fermetures reste supérieur au nombre d’ouvertures. L’ALQ compte 57 fermetures pour 37 ouvertures de 2001 à 2018. Et depuis 2014, 23 fermetures contre 17 ouvertures.

Les librairies Renaud-Bray et Archambault ne participent pas aux palmarès Gaspard ; les chaînes d’ici ne font donc pas partie de ces données.

Mardi, Avril 16, 2019
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